Les paysans creusois jouent les Robins des bois

Publié le par Rédacteur TC

Jeudi 3 décembre, les deux principales syndicats paysans creusois, la FDSEA et les JA, ont appelé leurs troupes à une journée d'action syndicale. Les éleveurs ont enlevé la viande des rayons de Carrefour, Leclerc et Intermarché Guéret, et ont emporté cela à la banque alimentaire. Il y avait plus d'une tonne de viande.

La clientèle et les travailleurs des magasins ont accueilli cette initiative avec enthousiasme. Aucun doute qu'elle a augmenté le capital sympathie des éleveurs.

Cette journée était une initiative départementale, qui est venue notamment après la contestation d'une partie de la base. La situation catastrophique des agriculteurs menace de disparition, à moyen terme (quelques mois, quelques années), nombre d'entre eux. Cela se traduit par une certaine combativité, doublée d'une résignation bien plus importante.

Les éleveurs de bovins sont déjà des quasi fonctionnaires, dans le sens où ce qui leur permet de vivre n'est pas le prix auquel ils vendent leur production, mais les différentes subventions, aides de l'État et de l'Europe. Mais avec la réforme des ces aides qui se profile en 2013, beaucoup se demandent à quelle sauce ils vont être mangés.

 

La FNSEA aime l'État

Le but de cette journée d'action syndicale était de dénoncer les marges abusives réalisées par les GMS (les grandes et moyennes surfaces). Elles achètent à vil prix les animaux, et revendent très cher les morceaux de viande au grand public. Il s'agissait aussi de demander une « année blanche » pour les éleveurs. L'année blanche est une des principales revendications de la FNSEA. Il s'agit de permettre aux agriculteurs de ne plus rembourser leurs emprunts aux banques pendant un an, pour se refaire une santé financière. Cette solution a évidemment été refusée par le gouvernement, qui a préféré prêter de l'argent aux banques et aux agriculteurs pour qu'ils n'arrêtent pas de rembourser... et donc d'enrichir les banques.

La caractéristique de la FNSEA est sa grande confiance dans le gouvernement pour l'entendre et prendre des décisions en faveur des agriculteurs. Elle stigmatise l'Europe, en faisant croire à sa base que l'Europe et l'État français ont des oppositions de fond, alors qu'elles ne sont que de pure forme. Ceci fait, la FNSEA évite de dénoncer les vrais responsables de la terrible situation faite aux agriculteurs, c'est-à-dire le grand capital (industrie agroalimentaire, grandes et moyennes surfaces), ses institutions (Etat national, Europe).

Ce sont les grands capitalistes qui veulent engranger toujours plus d'argents dans leur coffre. Ce sont eux qui exigent de l'État une politique allant dans ce sens. Ce sont donc eux les responsables de la mauvaise situation du monde paysan. Mais les chefs de la FNSEA ne parlent jamais de cela.

 

À peine une centaine

Du reste, si le monde paysan se rendait consciemment compte de cela, les perspectives d'alliance avec la classe ouvrière se feraient jour aussitôt. La classe ouvrière, dont la puissance sociale est infiniment plus grande que celle de la paysannerie, pourrait ouvrir un chemin radieux aux agriculteurs.

Mais pour cela, il faudrait aussi que la FNSEA arrête de demander le baisse des charges et d'avoir un programme aussi réactionnaire sur la question du droit du travail salarié.

Lors de cette manifestation, c'est à peine une centaine de personnes qui s'est réunie. Beaucoup étaient déçus de cette faible mobilisation. Le directeur de la FDSEA, Armand Martinez a avoué quelques semaines avant, dans La Montagne, que le syndicat avait du mal à mobiliser.

C'est sûrement du à la crise actuelle. Beaucoup de travailleurs sont dans le désarroi. Il est certain que tant que le mouvement ne sera pas plus massif, il ne pourra pas atteindre les buts, même minimes, qu'il s'est fixé.

Si les paysans veulent un prix correct* pour leurs productions, un revenu correct, il faut prendre l'argent où il est, à savoir dans les comptes du grand capital. Dans ce cadre, il faut élargir la revendication de l'observatoire des prix et des marges, qui fonctionne mollement depuis un an. Il faut lui donner un caractère contraignant, il faut forcer les grands distributeurs et les entreprises agroalimentaires (IAA) à ouvrir leurs comptes, sous peine de réquisition sans indemnités. On pourra voir les marges abusives que se prennent les grandes surfaces et les IAA, et on pourra les forcer à baisser leur prix de vente. Cela permettra d'augmenter le prix d'achat aux éleveurs.

Il faut faire cracher au bassinet le grand capital. Avec tout cet argent, on pourra augmenter le revenu des éleveurs.

En Creuse, la paysannerie représente une masse non négligeable des travailleurs. Les éleveurs ont tout intérêt à se lier avec les salariés, ce qui est déjà le cas, car nombre de femmes d'éleveurs sont salariées. Il s'agit maintenant de se lier idéologiquement avec le salariat, de voir où sont les intérêts communs, et de préparer l'avenir.

Issouf Ouedraogo

 

* Les leaders paysans demandent un prix correct. Ils disent vouloir vivre de leur production et non des subventions. Ces revendications sont l'illustration du manque d'oxygène d'une paysannerie asphyxié par les impôts et le grand capital. Cependant, il est aussi certain que, pour parvenir à satisfaire les besoins alimentaires de la planète, les objectifs de l'agriculture doivent être englobés dans un plan économique d'ensemble et que, dans cette perspective, la notion de prix sera subordonnée à celle de coopération. L'URSS nous montre un exemple, mal terminé à cause de la politique désastreuse de la bureaucratie stalinienne au pouvoir, de ce que pourrait donner un plan fonctionnant correctement à une échelle continentale. Il faudra s'en inspirer.

Publié dans Agriculture

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